Accompagnée de ses collègues, au
tout début de l’année 1981, Anna se rend au restaurant de la Caisse régionale
pour participer à la réception des vœux du Président. Ils écoutent un, deux
discours, puis ils boivent du champagne et dégustent des petits fours.
Le lendemain, le Chef du service lui
demande : « Vous avez aperçu le DGA, hier soir ? Non. Comment
non ? Vous n’avez pas écouté le discours du Directeur Général, il était
placé à ses côtés ? ». Anna n’ose pas avouer qu’elle s’est laissé aller à
discuter avec ses collègues, en écoutant évidemment, mais en pointillés. Le
Chef de service : « Bon. Il veut vous recevoir. Vous êtes
d’accord ? Oui ». Deux ou trois jours plus tard, le Chef de
service déclare : « Le DGA pourrait vous recevoir cet après midi à 14
heures, çà vous convient ? Oui. Pourquoi croyez-vous qu’il vous propose un
entretien ? Parce que je viens d’être titularisée». Pas de réponse.
A 14 heures, Anna gravit les
escaliers de l’étage qui sépare son service de la Direction. Elle n’éprouve pas
d’appréhension, elle est juste un peu intimidée. Elle pénètre dans le
secrétariat à l’atmosphère feutrée. Ses chaussures s’enfonçant dans
l’épaisse moquette, elle se dirige vers le bureau du DGA puisque la secrétaire
est absente (c’est vrai ! C’est fatiguant de faire le pot de fleurs). Elle sonne ; après quelques secondes
d’attente, la petite lumière verte s’allume (si elle reste rouge, vous êtes
prié de patienter. C’est drôle, non ? Un peu énervant, aussi). Elle entre ;
elle voit le DGA callé dans son fauteuil directionnel dans une position
savamment avachie mais si royale, qui la regarde entrer son stylo à la main.
Pendant une seconde, la terre s’arrête de tourner. Elle se retourne pour fermer
la porte et se dit : « Anna, il va falloir assurer ».
Parce qu’elle n’est qu’une « bleue » au bas de
l’échelle, elle n’envisage pas une seconde la réciprocité de ses sentiments.
Une petite secrétaire tout juste titularisée qui tombe raide dingue du Grand
Directeur, seul un roman-photo oserait l’imaginer. Pourtant, quand ils se
croisent dans les couloirs, elle voit bien que A.L. prend du plaisir lui
aussi, à la saluer. Elle se dit qu’il fait du social, qu’il est content de lui
faire la charité. Et le regard d’Anna ne ment pas : toute la Caisse
régionale sait qu’elle est amoureuse du DGA.
* Titre du livre de Lucien
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