Elisabeth est née dans
le Maine aux Etats-Unis à la fin du 19e siècle. Elle habite une immense demeure blanche posée
au milieu des prairies et des forêts. La propriété n’a ni grille d’entrée, ni
clôture ; seule, une longue allée bordée de marronniers y conduit.
Sa famille compte parmi
les grandes lignées bourgeoises du nord du pays. Elisabeth est fille unique, et rencontre quelques difficultés de relation avec sa mère qui est rigide,
respectueuse des conventions et de l’ordre social. En revanche, elle adore le
tempérament fantaisiste de son père.
Un jour où elle se
promène seule à cheval dans la campagne, elle observe les journaliers
travaillant dans les champs aux abords d’une ferme. Soudain, le contremaître
engage une rixe verbale avec un ouvrier. Elisabeth comprend que celui-ci se
défend de ce qu’on l’accuse et cherche à faire valoir sa bonne foi, dont elle
est elle-même témoin. Mais le jeune homme
a le tort d’être métis. Dans
les états du nord, les indiens de sang mêlé n’ont aucune valeur ; ils ne
sont acceptés ni par leur propre peuple, ni par la communauté blanche.
Elisabeth cherche à plaider la cause de l’accusé, mais sans succès. Le contremaître
ne se contente pas de le chasser, il le fait emprisonner.
Convaincue de
l’injustice, elle rend visite au prisonnier. Il est grand, mince, sa peau est
brune, ses cheveux sombres, mais ses yeux sont claires. Elisabeth tombe
amoureuse. Elle plaide la cause du jeune homme auprès de son père, si bien, qu’il
l’autorise à l’épouser dés sa peine accomplie. La guerre de sécession a beau
être terminée, on imagine le coup d’éclat ! Sa mère crie au scandale et à la mésalliance.
Elisabeth n’en a cure et se passionne pour la culture indienne de son
mari : il est beaucoup plus intéressant de courir les bois en sa compagnie
que de rester à se morfondre dans les salons de la grande maison. Elle aime ses
déplacements silencieux tout en souplesse dont il use et abuse pour la
surprendre. Leur union est harmonieuse et en quatre ans, trois enfants
naissent : deux garçons et une fille que leur grand-mère traite de bâtards.
Ils sont jeunes, beaux, libres. Certains ne pardonnent pas leur bonheur.
Un jour, des cavaliers ramènent dans une charrette le corps inanimé du jeune
métis. Seul son père accompagne Elisabeth aux funérailles auxquelles les parents,
les amis et les relations refusent de participer en raison de la caste du
défunt. Sa mère ne permet pas l’inhumation dans le caveau familial. Submergée
par le chagrin, Elisabeth enseveli son mari dans la forêt.
Pour donner une
légitimité sociale à ses enfants, Elisabeth se remarie avec une personne que les
mœurs discutables éloignent souvent du foyer. Une nuit, elle est réveillée par
les cris de terreur et les coups frappés à la porte par ses salariés indiens
qui dorment dans les communs. Elle dévale les escaliers, leur ouvre sa maison
et tandis qu’ils racontent les raisons de leur peur, elle ordonne aux
domestiques de les installer au centre du logis. Puis elle distribue armes et
munitions aux hommes en leur attribuant une place aux fenêtres stratégiques. Les
lieux sont plongés dans le noir ; les assaillants ne tardent pas à arriver.
Ils lancent leurs chevaux autour de la maison en hurlant et tirant en direction
du bâtiment. Elisabeth donne l’ordre de répliquer. Elle-même vise et tire plusieurs fois avant d’abattre un cavalier. Alors seulement, la horde
s’éloigne. Jamais plus elle ne reviendra attaquer les indiens de sa propriété.
Dans les premières années 1990, Jean, ami de Youssef, décide de
se rendre dans le Maine aux Etats-Unis : il a le nom de la famille,
l’adresse, les dates de l’histoire d’Elisabeth. Il écrit auparavant au notaire
local en expliquant les raisons de son voyage. Amusé, celui-ci retrouve le
contrat de mariage d’Elisabeth et d’autres papiers officiels relatifs à ses
enfants. Il se renseigne auprès des vieilles familles de la région car la demeure
a été vendue. Au cimetière de la localité, Jean trouve la pierre tombale où est
gravé le nom d’Elisabeth.
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