mercredi 22 juillet 2015

Au delà du temps et de l'espace


En 1935 à Casablanca, vit un jeune Rabbin, veuf, qui a deux enfants, un garçon et une fille âgés de dix et douze ans. Accompagné seulement de son frère, il part à dos de chameaux faire un périple dans le désert. A la tombée de la nuit, les deux hommes dressent leur tente dans les dunes ou s’arrêtent chez les habitants des oasis. Ils se rapprochent aussi des nomades qu’ils croisent non loin des sources. C’est ainsi que le Chef d’une tribu leur offre l’hospitalité. Et il se crée des liens d’amitié si forts et si profonds, que le Berbère, grand sage devant l’Eternel, propose sa fille au Rabbin. Un mariage est célébré suivant les rites du Coran, puis on imagine le retour de la petite caravane, avec, sur le chameau, la jeune musulmane –quinze ans- dans les bras de son mari, Juif.

Les qualités humaines de ce dernier le conduit à n’autoriser la maternité de la jeune femme que huit ans plus tard, laquelle, entretemps, se convertit au judaïsme. Puis naît une petite fille, Leïla, choyée et adorée par sa mère surtout, mais aussi par son père et ses demi-frères et sœurs. Elle fréquente l’école rabbinique dirigée par le rabbin lui-même dans la grande maison de style colonial français où elle vit avec sa famille. Ce qui permet à Leïla, aux heures de récréation, de traverser le couloir pour courir jouer avec son frère cadet, Georges-Youssef. Elle aime le jardin luxuriant, la lumière blanche du soleil, et la calme pénombre de la demeure protégée par les volets clos aux heures les plus chaudes.

Si Leïla reçoit tout l’amour et la tendresse de sa mère –Dieu sait si les mères maghrébines savent s’occuper de leurs enfants- il n’en est pas de même pour Youssef. Alors Leïla, du haut de ses quatre ans, pallie son manque d’attentions, et un attachement mutuel intense relie les deux enfants.

Dans les années 1930, les autorités françaises n’ont pas encore introduit au Maroc le vaccin de la variole. Youssef contracte la maladie à laquelle il survit, fort heureusement. Mais le frère et la sœur dorment ensemble sur des tapis à la mode des berbères du désert, et Georges-Youssef contamine Leïla qui s’alite pendant une semaine. Elle a huit ans quand elle succombe à la maladie.

Tandis que son frère et sa sœur aînés partent vivre en Israël, Youssef, quelques années plus tard, se rapproche de la communauté Indoue de Casablanca, avant de partir en Europe poursuivre ses études.

En 2005, Youssef, André et Philippe, coiffés chacun de leur Kipa, assistent à l’office de la synagogue de Casablanca, puis se rendent ensuite au cimetière juif. Sur la pierre tombale de Leïla est gravé son prénom français : Clarisse.





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