Selon la formule
consacrée, toute ressemblance avec des événements de la vie réelle n’est que fortuite.
Au cours des années 80, Anaïs travaille dans une agence
de voyages à mi-temps. Elle est occupée un après midi le dos tourné à la
clientèle, quand elle entend une voix grave, un peu gutturale, au timbre fin
comme posé sur un fil. Elle se retourne et elle croise le regard d’un homme de
haute taille, à la petite quarantaine. Avant qu’elle ne puisse terminer sa
pensée « Oh mais il est mignon ! », il engage la conversation
sur un ton un peu véhément, qui a pour effet immédiat de la figer, comme
terrorisée. Il poursuit et s’éloigne. Quelques instants plus tard, ils se
rencontrent à nouveau dans l’agence avec les mêmes manifestations de causes à
effets. Après son départ, Anaïs s’adresse à un collègue pour demander : « C’est qui ? Il est toujours
comme çà ? » Gérard :
« Ben … ».
Quelques mois plus tard, l’homme se présente au guichet
d’Anaïs : il est mignon, bronzé. D’emblée, de sa jolie voix grave, il
tonne la raison de sa visite. Anaïs est surprise car elle perçoit le ton de la
question comme une réprimande. En même temps, elle devine l’attention des
clients qui patientent, car l’homme parle vraiment très fort sur un mode qu’on
pourrait assimiler à du mécontentement. Mais il n’y a pas d’erreur de commise.
Alors, Anaïs assimile son attitude à de la suffisance, et elle se raidit.
L’entretien se poursuit presque comme une invective. Elle essaie de garder son
calme tout en souhaitant qu’il s’en aille très vite. Plus tard, à la remarque : « Il
me met mal à l’aise … ». Georges répondra : « Anaïs, parfois, les hommes … ».
Mais l’éducation désastreuse d’Anaïs sévit, elle ne
comprend pas. Et aucun membre du personnel de l’agence n’osera lui expliquer
que, non, Dominique n’est pas toujours comme çà, que le ton de sa conversation
est seulement l’expression de sa sensibilité. Parce que tous ses collègues
connaissent la précarité de sa vie familiale, ils se taisent, espérant ainsi la
protéger. Pourtant, ils apprécient l’homme parce qu’ils savent qu’il gère son
activité professionnelle avec conscience et honnêteté. Et ils s’étonnent de le
voir si malaisé à engager une relation avec Anaïs. Sans doute parce que Dominique
est habitué à ce que les femmes le sollicitent : il n’a pas appris à
courtiser, à séduire, à faire monter le désir.
Les années passent. Anaïs est victime d’un accident du
travail dont le traitement médical fautif est indemnisé grâce à une négociation
dont elle ignore les règles. Elle constate cependant sa mise à l’écart de toute
relation sociale. Pour cela, toutes ses communications téléphoniques entrantes
sont dirigées sur une ligne annexe où on explique la situation. Tous ses amis
font ainsi connaissance pour former « la bande des Amis d’Anaïs ».
Laquelle compte parmi ses membres, Dominique, qui est rapidement approché par
une jeune femme entreprenante dont il devine les desseins malhonnêtes. Première tentative.
Clément, le fils d’Anaïs, doit gérer la liquidation
matérielle des biens des amis de sa mère qui disparaissent en lui léguant leur
patrimoine. Et malgré la différence d’âge, une amitié se tisse entre Clément et
Dominique chargé de la déclaration des successions. Les adversaires d’Anaïs en
prennent ombrage et imaginent un scénario aussi abjecte que méchant, digne
d’une bande dessinée de bas de gamme : ils téléphonent à la Chambre en
expliquant qu’ils soupçonnent des malversations. Comprenez : Clément et Dominique
bidouillent les testaments. Alors une enquête est ouverte qui les innocente
facilement. Deuxième tentative.
Un jour, Anaïs se décide à entrer en contact avec Dominique
pour lui soumettre les anomalies de la succession de son père. Curieusement,
dans un premier temps, elle n’obtient pas de réponse. Elle le relance, et
quelques jours plus tard, trouve sur sa boîte vocale un message qui lui fixe un rendez-vous. L’entretien est agréable (l’homme a
baissé sa garde), très professionnel, et Dominique confirme : « il n’y a pas de chats à fouetter dans
ce dossier ! ». A son retour, un ami fidèle questionne Anaïs qui
répond sur un ton badin : oui, elle
le trouve bel homme, oui, elle se verrait sortir avec lui. A partir de là,
la machine s’emballe.
Les adversaires d’Anaïs versent une somme d’argent à Dominique
pour le remercier de l’avoir reçue, puis ils promettent d’autres versements
s’il parvient à lui faire accepter le mariage. Et ils payent un premier
acompte. Dominique encaisse l’argent, et aussitôt, il est convoqué devant un
conseil de discipline organisé par ses pairs. Ces derniers lui reprochent sa
compromission et l’informent qu’ils vont porter plainte pour association de
malfaiteurs contre lui et Anaïs à qui ils reprochent de ne pas vouloir écrire
la lettre qui mettrait fin au règlement de la négociation. Pour faire court, ils pensent qu’ils
s’entendent pour gagner de l’argent. Et les esprits malintentionnés se lâchent :
Anaïs aimerait sortir avec Dominique en raison de sa fortune personnelle. Une
question toutefois s’impose : par qui la Chambre a-t-elle été
informée ?
Dominique avait un job intéressant, des amis, des
relations, une position sociale reconnue, mais il avait le tort d’être honnête.
Son histoire pourrait s’assimiler à une chasse à l’homme : à la troisième tentative, ils l’ont
eu !
* Titre de Yukio Mishima
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