Juste avant la naissance de Benjamin, Anna travailla pendant deux années dans une PME stéphanoise de 250 salariés environ. C'était une entreprise familiale dirigée par Mr E. le père, et ses deux fils.
Anna travaillait avec le Directeur commercial. Si on lui avait demandé de choisir, elle aurait préféré travailler avec Mr E. qui était un Directeur que les mauvaises langues auraient pu qualifier de paternaliste. C'était surtout une personne responsable qui avait le souci de ses employés.
Anna aimait observer Alain, l'aîné des deux frères. Il était discret, courtois, arrivait parfois en retard, partait souvent en avance. Il était toujours vêtu d'un jean et d'un blouson de motard, of course : peu avant 14 heures, Anna se plaçait derrière la fenêtre du secrétariat pour le regarder arriver sur sa grosse moto, le visage dissimulé sous son casque intégral. Il gravissait silencieusement les escaliers, expédiait les affaires courantes, et une ou deux fois, elle le surprit à réfléchir ses jambes croisées sur son bureau à la manière d'un shérif du far-west (manquait le chapeau). Il n'avait pas le profil d'un chef d'entreprise passionné. C'était plutôt un contemplatif : il aimait la photographie.
Un jour, au Crédit agricole, le chef de service d'Anna la questionna sur son travail dans cette entreprise, en insistant sur la personnalité de Mr E. Sur le moment, Anna en fut étonnée. Maintenant, elle sait que Mr E. téléphonait régulièrement à la banque pour suivre son parcours. Car lui-même avait été approché par sa famille, et bien qu'à cette époque le sujet soit encore tabou, il avait deviné l'enfance maltraitée d'Anna.
Peu de temps après son accident du travail survenu en 1996, Alain et son frère participèrent au noyau dur des amis d'Anna.
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