Il y a quelques mois, je notais dans un article ma
préférence pour les chemises de nuit bien larges et très longues. Et je n’avais
pas dit pourquoi. Aujourd’hui j’ose, un peu comme la publicité des années 70 :
j’ai d’abord ôté le haut, maintenant j’enlève le bas.
Pourquoi j’aime les chemises de
nuit anciennes ? Parce que je crois qu’elles sont « sexy », un
adjectif dont la phonétique est évocateur. Pour l’une, être sexy c’est avoir un
SEX et un Y : être young, yolie, physiquement généreuse. Pour celui-là,
éperdument amoureux, c’est sa femme, ou pour un autre encore, c’est Rita
Hayworth quand elle enlève son gant dans Gilda. Clic. Pour moi, c’est porter
une chemise qui cache les formes mais qui stimule l’imaginaire. N’est-ce pas
plus coquin de rêver à des dessous voilés plutôt qu’à un corps révélé d’emblée,
saucissonné dans un tee-shirt ? Et une chemise ancienne, paradoxalement, c’est
long et facile à relever. Et oui, le fantasme, c’est sain. Il
participe à l’équilibre psychique, il alimente le désir, intensifie le plaisir.
Dixit les magazines (chez le coiffeur, y’a pas que Gala).
Or que l’hiver roidit la glace épaisse,
Réchauffons-nous, ma gentille maîtresse,
Non accroupis près le foyer cendreux,
Mais aux plaisirs des combats amoureux.
Non accroupis près le foyer cendreux,
Mais aux plaisirs des combats amoureux.
Assisons-nous sur cette molle couche.
Sus ! baisez-moi, tendez-moi votre bouche,
Pressez mon col de vos bras dépliés,
Et maintenant votre mère oubliez.
Sus ! baisez-moi, tendez-moi votre bouche,
Pressez mon col de vos bras dépliés,
Et maintenant votre mère oubliez.
Que de la dent votre tétin je morde,
Que vos cheveux fil à fil je détorde.
Il ne faut point, en si folâtres jeux,
Comme au dimanche arranger ses cheveux.
Que vos cheveux fil à fil je détorde.
Il ne faut point, en si folâtres jeux,
Comme au dimanche arranger ses cheveux.
Approchez donc, tournez-moi votre joue.
Vous rougissez ? Il faut que je me joue.
Vous souriez : avez-vous point ouï
Quelque doux mot qui vous ait réjoui ?
Vous rougissez ? Il faut que je me joue.
Vous souriez : avez-vous point ouï
Quelque doux mot qui vous ait réjoui ?
Je vous disais que la main j’allais mettre
Sur votre sein : le voulez-vous permettre ?
Ne fuyez pas sans parler : je vois bien
A vos regards que vous le voulez bien.
Sur votre sein : le voulez-vous permettre ?
Ne fuyez pas sans parler : je vois bien
A vos regards que vous le voulez bien.
Je vous connais en voyant votre mine.
Je jure Amour que vous êtes si fine,
Que pour mourir, de bouche ne diriez
Qu’on vous baisât, bien que le désiriez ;
Je jure Amour que vous êtes si fine,
Que pour mourir, de bouche ne diriez
Qu’on vous baisât, bien que le désiriez ;
Car toute fille, encor’ qu’elle ait envie
Du jeu d’aimer, désire être ravie.
Témoin en est Hélène, qui suivit
D’un franc vouloir Pâris, qui la ravit.
Du jeu d’aimer, désire être ravie.
Témoin en est Hélène, qui suivit
D’un franc vouloir Pâris, qui la ravit.
Je veux user d’une douce main-forte.
Ha ! Vous tombez, vous faites jà la morte.
Ha ! Quel plaisir dans le cœur je reçois !
Sans vous baiser, vous moqueriez de moi
Ha ! Vous tombez, vous faites jà la morte.
Ha ! Quel plaisir dans le cœur je reçois !
Sans vous baiser, vous moqueriez de moi
En votre lit, quand vous seriez seulette.
Or sus ! C’est fait, ma gentille brunette.
Recommençons afin que nos beaux ans
Soient réchauffés de combats si plaisants.
Or sus ! C’est fait, ma gentille brunette.
Recommençons afin que nos beaux ans
Soient réchauffés de combats si plaisants.
PIERRE DE RONSARD (1565)
La chemise remonte à la plus haute
Antiquité. C’est une tunique en lin, en forme de T, portée à même la peau. La plus ancienne chemise préservée fut découverte dans
une tombe de la première dynastie égyptienne vers 3 000 av. J.-C. Plus
tard, ce sont les Croisés qui rapportent d’Orient la chemise avec des
manches coupées séparément et cousues aux emmanchures. Elle se répand dans
toute la population occidentale parmi le peuple, les rois et les religieux et n’est
utilisée que comme sous-vêtement qu’on retire la nuit pour coucher « nu à nu ».
A partir de 1500, la présence des
chemises augmente dans les effets personnels. La coupe est plus ample et les tissus
plus raffinés. Pour des raisons d’hygiène, elles sont blanches et peuvent ainsi
bouillir. Les plus fortunés s’offrent une chemise de nuit, ample, longue, qui
permet aux plus pudibonds du 19e siècle, de préserver leur intimité
des regards du conjoint. On rapporte que certaines chemises féminines
présentaient une ouverture sous le nombril pour assurer la descendance avec le
commentaire encourageant : « Dieu le veut ».
Chez l’homme, il pouvait y avoir
un portail surmonté d’un pont-levis avec, sur le nombril, un bouton pour fixer
la pièce d’étoffe au cours de l’acte. Et l’ouverture de dimension standard
alimentait les sarcasmes des épouses déçues : « Il y a plus de
portail que de bétail ! ».
Suivant la caste sociale, les chemises de
nuit sont en lin, chanvre, coton, flanelle, pilou ou finette.
Vous faites un petit bateau en
papier, vous embarquez et vous voguez sur la grande bleue ensoleillée. Bientôt
les nuages s’amoncellent. La tempête éclate, se déchaîne. Sous les vents
violents, le bateau est projeté sur un rocher. Bing ! La proue est
brisée et avec un ciseau vous coupez la pointe avant de la coque. Les vagues et
les courants font tournoyer l’embarcation. Bang ! Elle se fracasse sur le
récif et vous coupez la pointe arrière. Bong ! le mât se brise, les voiles
se déchirent, votre ciseau supprime une partie de la mâture. C’est alors que
vous dépliez ce qu’il reste de votre bateau mutilé, et que voyez-vous flottant
sur l’eau, moussaillons ? … La
chemise du capitaine, mille sabords ! Clic
Je vous souhaite une excellente année 2016 (coquine et
inventive …).
· * Titre du livre de Patrick Lapeyre
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