Henri James est né en 1914, et en raison de la première
guerre mondiale, il est privé de la présence paternelle pendant sa petite
enfance. Jean Lombard, son Grand-père, est sa première référence masculine dont
il gardera un souvenir lumineux pendant toute sa vie.
A l’adolescence, son rêve de devenir garagiste est contrarié
par son père qui décide unilatéralement que son fils doit lui succéder dans la
petite entreprise familiale. Sur ce renoncement, une collaboration s’établit :
il faut dire que la vie avec le patriarche, malgré son autorité, ne manque pas
de sel. Il aime par exemple, monter à Paris et sortir sa famille au théâtre, au
cinéma, dans les cabarets à la mode (Ah ! Joséphine Baker …) Clic.
Après avoir fait son service militaire pendant trois ans, Henri
est rappelé en 1939 pour combattre l’invasion allemande. Il est encerclé à
Dunkerque, réussit à gagner l’Angleterre, revient en France et rejoint sa ville
natale en moto. La famille du nord poussée par l’exode, réfugiée dans la maison
familiale -il va tous nous faire fusiller !- et ses parents, par esprit de
conciliation, le poussent à déclarer sa présence aux autorités allemandes.
Contre son gré, il accepte. Ses craintes se justifient quand un beau matin, les
envahisseurs le font prisonnier. Clic. Mais il s’évade avant d’entrer en Allemagne,
passe en zone libre, et décide de vivre à Saint Etienne pour apprendre le
métier d’armurier.
Huguette naît en 1923 et grandit dans un petit village de
Saône et Loire appelé Broye, où son père est meunier. Après avoir fréquenté
l’école communale, elle part en pension chez les sœurs à Autun. A la fin de la
seconde guerre mondiale, ces dernières lui demandent d’accepter un poste
d’enseignante. En 1948, elle rencontre Henri, qu’elle épouse. Une union qui plait
surtout à ses parents. Un fils naît, puis …
Huguette entend bien profiter de la notoriété de sa
belle-famille. Elle promène naturellement une autorité insolente qui laisse
entendre « Je suis Madame J., sortez-vous que je passe ! ». Et
Anna observe cette maman qui peut être élégante et terriblement castratrice,
avec laquelle elle ne parviendra jamais à s’entendre. Elles n’ont rien en commun,
si ce n’est une fermeté de caractère qui parfait leur opposition.
Indéniablement pourtant, le tempérament d’Huguette présente quelques
atouts : elle est ordonnée, a le sens de l’organisation et du travail bien
fait. Anna, elle, aime travailler dans une pagaille savamment orchestrée (jusqu’à sa
mutation dans le réseau commercial de la banque où elle apprend la rigueur).
En raison de la réserve naturelle d’Henri, Anna va penser
très longtemps qu’il est victime du caractère de son épouse. En 1972, il la conduit devant l’autel de la cathédrale
pour consacrer un mariage arrangé auquel il ne s’oppose pas. Puis Benjamin et
Clémence brouillent les cartes : avec candeur et spontanéité, ils
sollicitent assidûment l’attention de leur Grand-père, qui trouve ses
« petits enfants stéphanois sympathiques » et dont il se plait
à rapporter les bons mots. Un jour qu’ils se promènent tous les trois dans la
vieille ville non loin de l’évêché, ils aperçoivent un chanoine vêtu de son
aube et de son chapeau à larges bords. Clémence : « Oh ! Papy, c’est
Charlot ? » Benjamin : « Mais non, c’est le pape ! ».
Mais il est vrai qu’à raison d’une visite tous les deux mois environ, Henri est
tout de même « content de les voir arriver et content de les voir
partir », dit-il. Qu’importe, le Grand-père assure, et un réel attachement
se crée entre les deux générations. En 1997, Henri décède. Et parce que leurs
rapports ont toujours été confus et fuyants, Anna mettra deux ans à faire le
deuil de la figure paternelle.
Pour se protéger, Anna choisit ensuite de rompre les relations avec Huguette qui éprouve quelques
difficultés à accepter la situation : elle n’a pas l’habitude que les
personnes ou les événements lui résistent. Elle affronte sa vieillesse avec le même état d’esprit : elle ne lâche rien, son mental lui permettant
d’entrer dans le quatrième âge sans difficultés majeures. Mais sa condition
humaine la rattrape et elle s’éteint sans s’être réconciliée avec sa fille.
Anna ne le souhaitait pas, sachant qu’Huguette n’aurait jamais déposé les
armes.
* Titre du livre de Stendhal

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