vendredi 10 juillet 2015

UNE TRANCHE DE VIE



Quand je suis arrivée au Crédit agricole en 1980, le Comité d’entreprise offrait, parmi sa palette d’avantages, une participation financière aux employés qui souhaitaient enseigner l’équitation à leurs enfants. C’est ainsi que Benjamin et Clémence, à l’âge de cinq et quatre ans, se retrouvèrent chacun sur le dos d’un poney dans un club stéphanois. Et dans le manège destiné aux enfants, tournaient aussi avec application une petite fille de quatre ans : Julie. C’était une petite fille calme, réservée, qui su rapidement se faire aimer par mes enfants. Je pris plaisir à retrouver ses parents chaque samedi après midi ; nous bavardions tout en observant la monitrice « s’éparpiller » entre son enseignement et ses soupirants.

Nous nous sommes reçus, avons organisé des sorties dominicales dans la campagne. Quand il m’arrivait d’aller chez Martine et Bernard, j’aimais observer Julie qui venait toujours se placer entre ses deux parents pour m’accueillir. Jacques a toujours considéré cette famille comme des amis à moi. Je devinais, sans vraiment m’y attarder, des rapports un peu tendus entre Bernard et Jacques, le premier étant doté d’un tempérament direct et droit, le second … Martine et moi discutions, riions, les heures passées ensemble étaient toujours très agréables, sans jamais aucune fausse note. Martine, Bernard et Julie prirent l’habitude de louer chaque année le studio de Superdévoluy, et c’est probablement par ce biais que ma famille, au hasard de l’envoi postal du règlement, se permit d’entrer en contact.

Après ma séparation conjugale, nos entrevues se raréfièrent, même si elles restaient courtoises. Quand Clémence annonça la date de sa confirmation organisée par l’aumônerie de Saint-Michel, mon ex et ma famille firent une fixette : ils voulaient absolument que Jacques soit invité. Mais moi, je ne le voulais pas, car j’avais toutes les peines du monde à tenir mon ex éloigné de ma vie. Un jour, il s’était même permis de venir sonner à la porte un dimanche matin, alors que les deux enfants étaient en week-end chez moi. Clémence ne souhaitait pas non plus la présence de son père, pressentant l’ambiance délétère de la réunion familiale. Donc, Anna faisait de la résistance. Peu de temps avant le jour J, Martine et Bernard se présentèrent sans prévenir, et très vite, je sus l’objet de leur visite : me convaincre d’inviter Jacques. Je campai sur mes positions et avec regrets (j’aimais le couple ami) fis remarquer gentiment que Martine devrait s’occuper de ses affaires. Bernard, toujours droit comme un i, approuva discrètement. Nous nous quittâmes en bons termes, mais un ressort s’était cassé.

Toutefois, Clémence et Benjamin appréciaient Julie. Un hiver, ils invitèrent leur amie à venir skier à Superdévoluy. Julie accepta, Clémence fut ravie, et Benjamin confirma sa participation aux vacances. Mais au final, nous partîmes seules, moi, Clémence et Julie.

Nous nous sommes croisés ensuite une seule fois dans la rue, alors que je sortais de chez le pneumologue ; c’était, je crois, en 1998. Vaguement, sans trop y croire, j’eus le sentiment que Martine et Bernard en savaient plus que moi sur les raisons de ma consultation, mais je ne m’y attardai pas.






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