vendredi 29 mai 2015

LAVANDIERES DE JOUR ET DE NUIT



Les lavandières sont des ouvrières d'autrefois, qui lavent le linge avec des cendres et de l'eau chaude, puis à la main avec brosse, battoir et savon.

Le lavoir est leur domaine réservé, un territoire où l'homme ne se montre pas. C'est lui qui, en principe, porte le pantalon, mais c'est la femme qui le lave. Il en est des tâches comme des lieux. Celui-ci est, pour les femmes, ce que le café est pour les hommes, c'est-à-dire le carrefour de la communication, le centre de l'information. C'est aussi leur parlement et le journal de la paroisse. Au lavoir, on échange les nouvelles du pays, les naissances, les décès, les mariages, les potins, les cancans.  Clic.  Le petit linge en voit et en fait voir de toutes les couleurs, renseigne : les regards inconvenants lisent sur le fil à linge les événements familiaux. Indiscrétions, confidences, propos acides ... Les mains sont occupées, mais l'esprit est libre. Et la dure besogne excuse les conversations qui clouent trop facilement au pilori.

Jean 8; 1-11

Inévitablement, le lavoir est un lieu de conflits où les lavandières manient le verbe aussi bien que le battoir. Il s'établit cependant une hiérarchie : celles dont c'est le métier et les plus âgées y ont souvent leur place attitrée ; le savoir-faire et l'habilité de chacune à battre le linge et laver plus blanc est reconnu. Mais n'a pas sa place qui veut au lavoir : on admet mal des personnes qui pourraient s'attacher les services d'une laveuse de profession.

Dans les villes et les villages, les blanchisseuses sont présentes quotidiennement dans la rue : elles vont chercher le linge sale et livre le linge propre, seule avec leur charge. Et les hommes de fantasmer sur leur passage. On leur attribue ainsi des exploits sexuels et une réputation libertine qui relèvent probablement de l'imaginaire.  Ôôô !  En 1868, Adrien Marx parle des lavandières dans le Petit Journal :  "... Ces luronnes sont presque toutes d'excellentes mères de famille cachant des sentiments exquis, un coeur d'or et de précieuses qualités, dont beaucoup de belles dames sont dépourvues ... La peau de leur bras hâlée par le grand air et les vagues du fleuve n'a aucune analogie avec le satin, et leurs doigts macérés dans l'eau de savon manquent de la distinction et de la grâce inhérentes aux mains des duchesses".

Car laver le linge au lavoir est un travail pénible. En hiver, il faut parfois casser la glace. Les femmes sont souvent à genoux pendant des heures, courbées en deux, le corps tendu vers l'eau dans un mouvement incessant de va et vient, donnant des coups de battoir jusqu'à épuisement. L'eau gicle et s'insinue. Les artistes, peintres et poètes ont souvent embelli l'image des lavandières en les présentant dans des paysages idylliques, mais en réalité, leur condition sociale et matérielle est souvent difficile. Tout en lavant, elles doivent s'occuper de leurs enfants et certaines exercent en même temps une activité de nourrice. Malgré cela, elles ont souvent un caractère joyeux et vivant.


"On ne dénoncera jamais assez l'attitude castratrice des femmes qui, depuis des siècles, nous tiennent à l'écart des joies du ménage, de la lessive, de la couture, de la cuisine, bref, de tout ce qui fait le bonheur. Pour être tranquilles, elles nous chassent de la maison, nous obligent à nous réfugier au bistrot, au stade ou dans les bras d'une maîtresse (elle, au moins, nous ne la voyons jamais faire la lessive, ni la vaisselle). Il a fallu des siècles et l'invention des Pampers pour qu'au moins nous soit reconnu le droit de laver les petits derrières roses, mais que cette victoire est encore fragile ! Non, le combat n'est pas gagné. Hommes de tous les pays, unissons-nous pour obtenir l'égalité des sexes". (Christian d'Expressio.fr).

Au début du 19e siècle, les grandes lessives sont encore biannuelles au printemps et à l'automne, et constituent un temps fort de l'année avec repas, jeux et danses. On suppose que les familles -dont on mesure la richesse, dit-on, aux piles de draps entassées dans les armoires- ont une bonne réserve de linge de maison ou que celui-ci n'est pas changé très souvent. Puis au XXe siècle, l'hygiénisme multiplie les lessives ; les lessiveuses puis les machines à laver supplantent le lavage collectif au lavoir. Parallèlement, les maladies contagieuses régressent. Certes, auparavant, Pasteur a découvert les microbes et Fleming les antibiotiques. Mais le développement des lessives faites dans les foyers a sans doute contribué à l'amélioration de la santé publique.


La lavandière de nuit est un personnage de légende féminin -une revenante- que l'on rencontre la nuit nettoyant indéfiniment un linge dans un lavoir. Les récits comportent de nombreuses considérations morales inspirées par la religion chrétienne de l'époque, dans le but de renforcer certains interdits sociaux ou religieux. Bien sûr ces histoires maléfiques ne sont pas à lire au moment du coucher.  Clic.  Il est préférable de regarder le retour de gentils revenants dans des films auxquels on aimerait tellement apporter du crédit.  Clic







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